ROSCANVEL
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Un fait méconnu de l’histoire régionale

Par Louis Verdeau

Un Breton, originaire de la presqu’île de Crozon, participe à l’Expédition scientifique de la Campagne d’Egypte avec le général Bonaparte

Saviez-vous que Roscanvel, agréable petite ville du canton de Crozon sur la rade de Brest, vit l’un de ses fils s’illustrer avec le général Bonaparte pendant l’ Expédition d’Egypte (1798-1801) ?

Un peu à l’écart du bourg de Quélern et non loin des fameuses fortifications érigées par Vauban, se dressent encore, face aux îles Trébéron et des Morts, les vestiges du manoir de Quélern (Kerlern en breton), ancien logis seigneurial de la paroisse .

Le bâtiment d’origine est en partie ruiné ; il subsiste une forte tour carrée en gros moellons et un corps de logis qui a fait l’objet d’une restauration récente ; des dépendances, un petit pavillon en bordure d’un ancien chemin et de vieux murs couverts de lierre complètent le tableau .

Possession de la famille Goulhezre (armes : d’or au chevron d’azur accompagné de trois trèfles de gueules) puis par alliance de la famille Le Gentil de Quélern (armes : d’azur au dragon volant d’or), branche cadette de la famille Le Gentil de Rosmorduc, famille d’antique noblesse et puissamment établie en Léon et en Cornouaille, le manoir de Quélern appartenait au XVIIIème siècle au maréchal de camp Emmanuel-Jean l’Evangéliste Le Gentil, baron de Quélern (1773-1843), officier général du Génie et conseiller général du Finistère .

Né dans une famille de militaires et de marins, Emmanuel Le Gentil de Quélern embrassa tout naturellement la carrière des armes ; sous-lieutenant de l'Ecole Polytechnique, il est remarqué par ses supérieurs parmi ses condisciples et désigné en qualité d'expert auprès de la commission des sciences et des arts mise sur pied par le Directoire le 26 ventôse an VI (16 mars 1798) .

Le 19 mai 1798, il s’embarqua à Toulon avec l’Armée d’Orient (qui comptait environ 50.000 hommes) sous les ordres du général Bonaparte à destination de l’Egypte où il arriva à Alexandrie le 1er juillet 1798 après un fameux chassé-croisé avec la flotte anglaise du non moins fameux amiral Nelson .

La commission qui comptait 167 membres était composée de scientifiques de renom comme le chimiste Claude Berthollet, le mathématicien Gaspard Monge, le naturaliste Etienne Geoffroy-Saint-Hilaire ou encore l’écrivain et graveur Dominique Vivant-Denon ainsi que de la fine fleur des Grandes Ecoles (Polytechnique, Centrale, Normale, Mines, Ponts et Chaussées, etc) . Nul doute que tous trouvaient là une occasion unique de participer à une aventure hors du commun tout en mettant en pratique leurs connaissances scientifiques .

Pendant trois ans, Emmanuel Le Gentil de Quélern et ses collègues scientifiques parcoururent l’Egypte du Nord au Sud et d’Est en Ouest en notant systématiquement des informations sur la topographie, l’ethnographie, la démographie, l’économie, les voies de communication, etc .

On lui doit notamment le relevé topographique des berges du lac Menzaleh, près de Damiette (partie orientale du delta du Nil) ou encore le premier relevé de la fresque du Zodiaque du Temple de la déesse Hathor à Denderah, près de Karnak (Haute-Egypte), en janvier 1799 lors de l’expédition du général Louis Desaix à la poursuite de Mourad-bey.

Le 13 pluviôse an VII (1er février 1799), l’expédition arriva en vue du Temple de la déesse Isis, sur l’ île sacrée de Philaë , au-delà de la première cataracte du Nil. Elle avait atteint son objectif qui était de marcher le plus loin possible vers le Sud . Après avoir immortalisé dans la roche le souvenir de son passage, l’expédition militaire et scientifique française remonta vers Le Caire .

De retour en France après la prise d’Aboukir par les Anglais en mars 1801, Emmanuel Le Gentil de Quélern participa à l’Armée d’Espagne ainsi qu’aux campagnes de la Grande Armée de 1806 à 1814 .

Membre de la commission exécutive d’Egypte, chevalier de Saint-Louis et officier de la Légion d’Honneur, il termina sa carrière avec le grade de maréchal de camp et le titre de baron de Quélern qui lui fut octroyé par le roi Louis XVIII en février 1824 en considération des services rendus à la Nation .

Les travaux des membres de la commission se prolongèrent pour aboutir à la publication de "La description de l’Egypte", ouvrage collectif colossal, publié de 1809 à 1828, composé de 9 volumes de texte et de 10 volumes de planches accompagnés d’un atlas et d’une carte topographique .

"La description de l’Egypte", véritable trésor scientifique national méconnu est conservé précieusement à la Bibliothèque du Sénat à Paris .


Sources et bibliographie sommaire :

Archives départementales du Finistère
Fonds Le Gentil E.749
Fonds Pontlez E.710
Archives militaires, Service Historique de l’Armée de Terre, Fort de Vincennes
Levot, Biographie bretonne, tome II, p°228
Laurens H., " L’Expédition d’Egypte " , Armand-Colin, 1989
Laissus J., " L’Egypte, une aventure savante avec Bonaparte ", Fayard, 1998
Historia, Novembre 2000, n° 647 .

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